Socratiz a rencontré Alexandra Samyn, directrice des opérations et de l’économie circulaire chez Manutan, qui a partagé une vision ambitieuse et structurée : inscrire l’économie circulaire comme un pilier stratégique au cœur du modèle opérationnel de l’entreprise.
Fondée il y a près de 60 ans, Manutan est une ETI familiale européenne implantée dans 17 pays. Avec 2 500 collaborateurs, un chiffre d’affaires avoisinant le milliard d’euros, et une offre de plus de 850 000 références, l’entreprise s’impose comme un acteur incontournable de la distribution B2B. Aujourd’hui, Manutan entend jouer un rôle actif dans la transition écologique, en construisant un modèle plus sobre, plus efficient, et surtout plus circulaire.
L’ouverture de son “Hub circulaire” en juin 2024, dédié au réemploi de mobilier professionnel, incarne cette ambition. Un choix stratégique assumé :
« L’économie circulaire, c’est la nouvelle révolution des entreprises », affirme Alexandra Samyn.
Cette infrastructure marque un tournant, en passant d’initiatives isolées à un modèle industriel structurant et transversal.
Sommaire
La circularité au cœur du modèle opérationnel
« La circularité, ce n’est pas quelque chose de nouveau. On a déjà depuis plusieurs années une filiale aux Pays-Bas qui s’appelle Kruizinga, qui propose de l’équipement d’entrepôt d’occasion. » témoigne Alexandra Samyn.
Ce premier ancrage, a permis à Manutan de tester et valider des modèles de réemploi à plus petite échelle et a servi de socle à la création du Hub circulaire inauguré en 2024, une infrastructure entièrement consacrée au réemploi du mobilier professionnel.
« Le hub circulaire, c’est une pierre de plus, on va dire, dans l’édifice de Manutan dans ce domaine. » ajoute Alexandra Samyn.
Cette initiative marque une évolution décisive : l’économie circulaire sort du périmètre de l’expérimentation pour devenir un modèle industriel structuré, transversal, et scalable.
Manutan va aujourd’hui plus loin que le simple réemploi, et investit dans le reconditionnement pour prolonger la durée de vie des produits et régénérer leur valeur marchande.
Du réemploi à la création de valeur
Au cœur du modèle circulaire se trouve le reconditionnement, qui permet de transformer des produits dévalorisés en actifs marchands à fort potentiel. Cette logique, à la fois écologique et économique, repose sur une approche pragmatique de la remise en état.
« Je prends l’exemple d’une armoire de bureau qui arrive au hub, qui n’a pas de serrure. Fonctionnel, 0 %, valeur de revente, 0 %. Je prends 10 minutes, on y met une serrure avec une clé, l’armoire vient de passer de 0 à 300. » explique Alexandra Samyn.
Si cette logique semble évidente, sa mise en œuvre à grande échelle requiert un pilotage précis. Pour sortir d’une logique artisanale, il faut structurer les flux, tracer les étapes, qualifier les produits et suivre les coûts.
Une méthode structurée pour piloter la circularité
Pour y parvenir, Manutan a mis en place un processus en trois temps, pensé comme une chaîne industrielle. Chaque étape permet de sécuriser la qualité, optimiser la performance, et garantir la cohérence du modèle.
1. Sourcing et sélection : trier dès l’amont pour éviter les pertes
Le point de départ du processus circulaire se joue sur le terrain, au moment de la collecte.
« La toute première étape, c’est l’inventaire sur le site de collecte. C’est-à-dire qu’en amont de toute opération, on va sur site pour jauger la qualité des produits et pouvoir scinder les flux dès le départ. » affirme Alexandra Samyn.
Cette anticipation permet de ne pas mobiliser inutilement des ressources sur des produits non valorisables. Elle conditionne donc toute l’efficacité des étapes suivantes.
2. Audit technique : qualifier les produits pour mieux les orienter
Vient ensuite une phase d’analyse plus fine, qui permet de déterminer la destination optimale de chaque produit collecté.
« Cette phase d’audit, de diagnostic qualité, elle est cruciale pour nous, parce que c’est ce qui va nous permettre d’évincer les produits trop abîmés, de décider est-ce qu’on va sur la réparation ou pas, potentiellement de rescinder les flux à l’arrivée » continue Alexandra Samyn.
Ce tri stratégique est un levier de performance : il permet de préserver un haut niveau de qualité tout en évitant des coûts inutiles liés à des produits non conformes.
3. Reconditionnement : créer des boucles de valeur pérennes
La dernière étape est celle de la remise en état proprement dite, qui doit allier qualité, rapidité et rentabilité.
« Pour chaque nouvelle opération ou chaque nouveau produit ou nouvelle catégorie de produits, nécessairement, on suit les coûts et le potentiel d’industrialisation. » précise Alexandra Samyn.
Cette approche structurée permet à Manutan de développer une filière de reconditionnement stable, capable de répondre à une demande croissante tout en maintenant une logique économique saine.
De la R&D à l’industrialisation : un changement d’échelle maîtrisé
Après plusieurs années d’expérimentation, Manutan entre désormais dans une phase d’industrialisation. Cette transition reflète une ambition claire : faire de la circularité un standard intégré, et non une exception.
« Aujourd’hui, on a passé le stade de la R&D, on est au prototypage.»
L’entreprise ne se contente plus d’ajuster ses pratiques. Elle structure ses processus, modélise ses opérations, investit dans des outils industriels et réfléchit à la scalabilité de ses initiatives.
L’objectif affiché par Alexandra Samyn est clair : que l’économie circulaire ne soit plus un sujet à part, mais le cœur même du modèle d’entreprise.
« Je pense qu’on aura gagné le jour où le modèle global sera circulaire. C’est-à-dire qu’il n’y aura plus le modèle traditionnel groupe et la petite équipe économie circulaire à côté, ça sera complètement intégré.»
Avec son hub circulaire, Manutan met en pratique un modèle ambitieux, encore en construction mais porté par une vision forte et une démarche rigoureuse. Au-delà de l’engagement environnemental, c’est bien la promesse d’une performance économique responsable qui se dessine.
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